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N E X T E X I T
19 février 2008

Le clan des Siciliens

Chacun a des souvenirs particuliers. Chacun emporte avec lui sa mémoire et quelques particules de bonheur. Je cours après les souvenirs, les pensées (voilà pourquoi j'ai instauré les pensées latrines, et que je prévois de mettre en ville des feuilles vierges pour que les inconnus écrivent leurs pensées s'ils le souhaitent). Pas que je vive dans le passé, mais quand le futur est incertain, tatonnant, j'ai tendance, comme beaucoup de gens, à m'accrocher à des souvenirs. Sans pour autant m'enliser dedans. Je ne veux pas de ces "te souviens-tu de ça ?" et "ça, tu t'en souviens ?", parce qu'il me semble alors que non seulement je ne vivrai pas que dans le passé pour moi-même, mais aussi dans le partage et l'échange du souvenir avec la personne qui me pose cette question. C'est un tunnel sans fin que les souvenirs et se les remémorer est aussi agréable que douloureux. Que restera-t-il de chacune de mes relations si je ne fais que me souvenir ? Alors, oui, je me souviens, mais à petite dose.

Enfin toujours est-il que regarder en flash back quelques mémoires non écrites est amusant. Chacun possède son souvenir. Prenons pour exemple ma soirée d'hier soir.
Mon frère est chez moi. Nous écoutions Radio Nova, et passait là le thème musical du Clan des Siciliens par Ennio Morricone. Je demandais alors à mon frère s'il avait vu ce film, et il me répondit que c'était étrange que je ne m'en souvienne pas, puisque c'est avec moi qu'il l'avait vu. Et il me raconta même des souvenirs précis. Je lui avais appris ce jour là à faire des bulles avec les malabar, derrière les volets fermés de notre ancienne maison, alors que nos parents n'étaient pas là. Je lui contais à mon tour mon souvenir lié à ce film. Totalement différent. J'étais avec mon grand-père paternel, petite fille sage apprenant que c'était le film préféré de son grand-père, le regardant fumer en silence, assise en tailleur, j'aimais l'odeur de ses cigarettes, caressant la jaquette verte de la vidéo. J'ai toujours aimé les silences.

Oui, chacun ses souvenirs.

Et plongée que j'étais hier au soir dans certains souvenirs à écouter la radio, je laissais venir à moi d'autres mémoires à mon esprit. Avoir mon frère chez moi me rappelle lorsque moi j'étais chez mon oncle. J'ai l'étrange impression que nous reproduisons le même schéma. Nous parlons peut-être un peu moins musique mais un peu plus cinéma. Quoique... Toujours est-il que le martini a remplacé la bière, que ce n'est plus moi qui suis à l'ordinateur, mais mon frère, que ce n'est plus moi qui attend que la bouffe soit prête, mais mon frère, que ce n'est plus moi qui me sens gênée de squatter, mais mon frère, que ce n'est plus moi qui dort dans un sac couchage. J'aime ses souvenirs là, ils sont précieux. Les silences de mon oncle, ceux de mon frère, les miens. Aucune gêne face à nos silences. Puis parler, un peu, sans déranger l'autre. Juste se sentir bien dans un cocon de tendresse.
Et à l'instant de me coucher, la surprise et un sourire caché derrière mes rideaux parce que mon frère m'aime et me le dit. Et que je présume que ces instants passés avec moi seront aussi importants que ceux que j'ai passé avec mon oncle. Qu'il se souviendra du goût de l'Adelscott, autant que moi je me souviendrai de l'odeur des encens de mon oncle. Qu'il se souviendra du calme ambiant, autant que moi je me souviendrai d'une lumière aseptisée jaunâtre. Qu'il se souviendra de l'odeur des cigarettes, autant que moi de l'odeur de l'herbe. Qu'il se souviendra de notre étreinte d'hier soir, autant que moi je me souviendrai de la tête de mon oncle sur mes genoux et ma main sur son crâne.
Peut-être se souviendra-t-il plus tard que chez moi on écoute Serge Gainsbourg. Parce que moi je me souviens que j'écoute Sonic Youth en pensant toujours à mon oncle. Et que c'est aussi pour ça que je ne peux écouter du jazz que le dimanche matin.
Parce qu'aussi nous avons tous quelque part des modèles. Parce que je soupçonne que je serai pendant un temps celui de mon frère, autant que le fut et l'est encore mon oncle.
Et c'est ainsi que je me souviens que plus jeune j'attendais sa venue dans notre maison, qu'il apporte des disques que je ne connaissais pas. que je copiais sur K7 Björk et Gusgus et que j'étais fière au lycée d'être la seule à les écouter. Peut-être aussi que c'est grâce à lui ou que c'est sa faute si j'aime Jean-Louis Murat, Placebo et Etienne Daho, parce qu'il me faisait lui aussi des K7, en hommage lui-même à un ami de la famille qui lui en faisait lorsqu'il était plus jeune. Voilà pourquoi je trouve amusant de voir mon frère me piquer ma musique sur ordinateur et découvrir des choses qu'il ne connaissait pas.

Parce que c'est transmettre. Et que plus tard, on s'en souvient toute sa vie.

Alors pour le moment, toute cette semaine, je vais continuer à chérir ces souvenirs là de moments passés dans un appart sombre à la moquette gris-bleue et je me sentirai ni mélancolique ni nostalgique, simplement je retrouverai ces sensations que je n'ai jamais perdu et je me sentirai bien.

~ Oreille ~ Rolling ~ Elysian Fields

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Commentaires
A
Ah je savais pas pour les K7, avec les normandes on faisait pareil ensuite... Mais on a toujours cru qu'elles étaient pour toi. Oups.<br /> <br /> Bises aussi
M
Chacun ces influences, mais c'est surtout la construction de soi même qu'on ne réalise pas dans ces moments là.<br /> Au passage, je n'oublie pas E, R, J, B, V, R, Y, A, D et N pour m'avoir ouvert leur discothèque.<br /> Petite précision, les K7 évoquées ne m'étaient pas destinées, elles étaient envoyées à ton autre oncle.<br /> bizzz
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