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N E X T E X I T
5 avril 2009

Dans la rue. 1

Notre héroïne (c'est à dire moi), après trois jours d'absence totale d'air asphixié de la rue, de pose alanguie dans son lit à se prendre la température, de pleurs tout aussi insipides ; a décidé en ce dimanche de sortir le bout de son nez, autre que pour aller chez son frangin manger des pâtes à la carbo préparée par sa chérie de poche. Alors qu'a-t-elle fait ?

On s'en doute, elle a été au cinéma. Un dimanche en solitaire, il n'y a pas grand chose d'autre à faire et c'était bien mieux que d'aller au parc en bas de chez elle pour bouquiner, parce que cela, elle peut le faire chez elle les fenêtres grandes ouvertes sans avoir à sortir et s'habiller même.

Elle a tout d'abord fait une escale à Quick, pour y lire (sic), en attendant l'heure de la projection aux Ambiances. Elle a bien ri lorsque la serveuse lui a rendu son ticket resto. Elle n'a d'abord pas su comment réagir tant c'était absurde de lui rendre avec le ticket de caisse son paiement. Mais elle en a récolté un café gratis !

Ensuite, elle a grillé la moitié d'une cigarette le temps d'alligner trois pas pour changer de rue et s'engouffrer dans la salle obscure qui sent encore le neuf.
Elle y était seule et s'est crue chez elle. Les pieds sur le fauteuil de devant, le corps allongé sur plusieurs banquettes, le rire non contenu, les baillements, se gratter la plante de pieds après avoir enlevé ses godasses.
Un chat, un chat. Léger comme le début de printemps. J'ai les mains qui sentent la poubelle.

Lorsqu'elle est sortie de la séance, elle a préféré prendre les petites rues de la cathédrale plutôt que de se taper la place de Jaude où les enfants feraient rire leurs parents en s'éclaboussant dans les gerbes des fontaines.
Arrivée sur la place de la Victoire, elle avait les yeux froncés par le soleil, une main dans une poche, l'autre sur une cigarette, les écouteurs qui crachaient I'm a Man et elle marchait d'un pas courageux parmis les skateurs.

Elle fut arrêtée par un homme qu'elle avait remarqué venir à elle et sur lequel ses yeux de myope fixaient son tee-shirt des Ramones. La quarantaine, voire plus, la tempe grisonnante, le blouson de cuir défraîchi, le jean noir moulant, les docs aux pieds, le visage joliment frippé par l'alcool sans doute, les mains abîmées, on aurait dit des brûlures de cigarette.

Et un dialogue irréel mais vivifiant. Petit cours sur les Davidoff, parce qu'effectivement il lui demandait une cigarette, un bon point de gagné parce qu'elle affichait sur sa veste de jean's un badge de Gainsbourg, puis une interrogation sur l'autre qui ornait sa poche droite. Ghinzu. Et lui enchaînait sur les Ramones et Motorhead, elle n'a pas compris le rapport entre les deux. Puis Spliff, il habite en face. Il lui demande un euro, ce qu'elle n'a pas sur elle, parce que, dit-elle, je viens d'aller au cinéma. Alors les voilà partis tous deux à donner leurs avis sur la vie de Mastroianni et Deneuve, ce qui en a résulté, somme toute, une bien belle Chiara.

Bref, c'était drôlement rafraîchissant pour elle de se faire accoster de la sorte par un type venant tout droit d'une autre époque, d'une autre vie, comme une espèce de réalité parallèle qu'elle a tendance parfois à oublier à cotoyer des connasses à son taf.

Elle est repartie chez elle avec l'idée en tête de se boire une citronnade, d'écouter BRMC à fond, toujours pour le moment à scander son pas sur I'm a Man. Et elle pense soudainement qu'une seule et même chanson peut avoir différents effets sur une seule et même personne.

Après la fureur, la félicité de l'instant de vie.

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Commentaires
D
Quel instant apaisant.
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