Comédie musicale à la bibliothèque
Ca pétille. Ca part en vrille. Ca prend dans le ventre, puis le bas du visage, puis les hanches, puis les genoux, les pieds, les cheveux. Et le monde.
Ca s'emballe. Ca emballe. Ca part d'un rien. Une trompette au loin. Une batterie qui monte le rythme lentement. Et un premier pied qui sort de sous les tables pour se montrer dans la travée. Puis le pied est suivi d'un deuxième. De battements de jambes. Et enfin d'un corps qui se déploie pour se mettre debout.
C'est la meneuse. Elle danse. Elle sourit. Aux autres. Elle lance, balance, fragile, ses bras en l'air, d'un pied fait virevolter sa chaise au loin qui tourbillonne en rythme aussi jusqu'à échoir entre les jambes de quelqu'un d'autre. Ca l'éveille à son tour, il se lève. Jette sa chaise à un autre. Et le monde se lève, souriant. Les bras en l'air. Les mouvements premiers de la fille qui a lancé la danse.
Elle monte sur la longue table, négligemment rejette un à un les livres qui la jonchent, elle en réveille les derniers réticents. Elle saute de table en table, elle cherche son monde. Jusqu'aux escaliers, avec une troupe dans son dos. Ils montent et descendent, fluides. Le cou qui claque sur les épaules. Droite. Gauche. Les mains qui frappent. Les jambes qui s'entortillent. Les hanches qui tournent.
Aux vitres, les nettoyeurs s'en donnent à coeur joie de lessive, de balais, de sourires.
Dans les étagères les livres vivent, virevoltent autour des danseurs.
Des couples de corps qui s'épousent, une main sur une hanche qui fait tournoyer, une jambe qui s'enroule autour d'une taille.
Puis l'image se fige. La musique s'éteint, s'étire, s'étiole en silence enfin. Et tout reprend sa place initiale.
Bon. Je devrai arrêter de rêvasser, de me croire dans un film. Mais ça fait du bien d'imaginer une réalité alternative.
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